Quand on le prononce ce mot résonne, fort, plus fort que d’autres. Et dans son écho, l’on en devine aussi quelques autres, des mots. Souvent ceux des autres justement, ceux qui cherchent à comprendre. Et dans cette résonance imparfaite, un mot revient plus souvent que d’autres : fuir.
Ne cherches-tu pas à fuir ? Ton quotidien, tes problèmes, tes doutes, tes angoisses… La question mérite réflexion. Car si mon envie primaire est bien sûr de répondre non, j’ai appris que le plus grand menteur auquel il m’arrive d’être confronté, c’est moi même. Quand, enveloppée de son plus beau déguisement, la vérité se présente à moi sous les traits de sa pernicieuse voisine, la certitude. Cette certitude qui nous fait croire que cette décision que l’on vient de prendre est la seule et unique solution.

Questions, regrets et objections

Alors, suis-je engagé dans une fuite en avant non contrôlée, ou, enfin, sur les rails du chemin que j’ai vraiment choisi ? Ce chemin que l’on ne voit pas si l’on ouvre que ses yeux. Celui que l’on ne voit que lorsqu’on a la pleine conscience de ce qui nous rend heureux.

Le premier réflexe de la grande majorité des gens avec qui j’échange est quasiment toujours le même. Toujours positif. 
– Quel beau projet ! 
– C’est vraiment génial !
– Par où tu commences ? …

Puis vient souvent la deuxième étape de la réflexion, plus courte, rarement détaillée, mais quasi systématique.
J’aimerais tellement pouvoir le faire moi aussi  
Tiens donc ! Intéressant. Et je vous assure – même si je n’ai pas tenu les comptes – que plus de 80% des gens avec qui j’échange sur mon voyage tiennent ces propos.

Enfin vient la troisième phase. Et elle arrive très vite, souvent à peine une minute après le début de notre conversation.
Par contre tu pars seul ? Fais bien attention.
Tu as pensé à faire tes vaccins ? 
 La Colombie ? C’est dangereux non… ? 
L’horizon d’un projet merveilleux il y a encore quelques secondes, semble tout à coup s’obscurcir derrière un dédale de doutes, de peurs et de questions. 

Révélation

Ces questions je les comprends particulièrement bien puisque je suis le premier à me les être posé. J’ai trouvé toutes mes réponses il y a un an, en septembre 2018. Je me souviendrai de ce moment toute ma vie.
Je suis en plein footing en fin d’après-midi, au parc Bertin à Douai, il fait beau, et c’est le moment que choisit ma playlist aléatoire pour passer la chanson Stranger Lover, d’Ibey. Une chanson que j’ai découvert il y a peu, et que j’adore. L’alignement des éléments me propulse à ce moment là vers l’un de ces moments de plénitude où l’on se dit tout simplement que l’on est bien. Est-ce moi qui ai choisi cet instant pour me poser la fameuse question ou est-ce l’inverse ? Je ne le saurai jamais. Quoi qu’il en soit il me faut à peine quelques secondes pour y répondre.
Y’a t-il vraiment une seule raison qui justifie de ne pas initier ce projet ?
La réponse est claire, limpide, évidente… non ! 

Certitudes

Je n’ai aucune leçon de vie à donner. Chacun de nous est différent, chaque situation est différente. Je suis célibataire, je n’ai pas d’enfants, de quoi largement faciliter ma prise de décision. En revanche j’ai une maison, une entreprise qui tourne depuis six ans, une famille, des amis, bref, des tas de raisons de me dire que partir est une mauvaise idée, trop compliquée. Mais à cet instant plus rien n’y fait. Aucune de ces raisons ne peut justifier que je n’emprunte pas le chemin que j’ai la chance d’avoir trouvé.

Peut-être suis-je en effet en train de fuir… Mais la véritable fuite n’aurait-elle pas été de se trouver des raisons de ne pas partir ? Les rêves, les projets, les envies sont forcément différents pour chacun de nous, et les réponses à la fameuse question de se lancer ou non, aussi. Alors accepter simplement l’idée de vraiment se la poser n’est-il pas la première, et la seule étape à accomplir… ?