ÉPISODE 2 : DE l’ANONYMAT À LA CÉLÉBRITÉ

Billets de train en poche, je peux relâcher un peu la pression qui me tasse les épaules depuis ce matin. D’ailleurs, ça tombe très bien : j’ai faim. Je feuillette rapidement mon Lonely Planet et découvre une adresse qui m’attire, à moins de deux kilomètres de là. Une petite file d’attente longe la façade, je m’y ajoute, indique mon nom à la demoiselle qui liste les prochaines réservations et suis installé à peine dix minutes plus tard. Le lieu est typique, joli, grand sans être oppressant, et la cuisine… Il faudra que je fasse un chapitre spécial sur ça, car croyez-moi ce n’est pas une légende : la bouffe, c’est fou ici. Bref, je reprends mon chemin direction le sud. J’ai listé sur ma carte quelques points d’intérêts et, comme à mon habitude, je marche, appareil à la main.

Delhi m’offre un autre visage. Old Delhi Hier, New Delhi aujourd’hui. On comprend facilement pour quoi. Les rues sont larges et macadamisées, les immeubles culminent à plusieurs étages et, fait nouveau, je suis observé. Il est vrai que, depuis mon arrivée, je fais face à une nouveauté que je n’ai connu nulle part ailleurs. En l’espace de trois jours, j’ai croisé, tout au plus, une dizaine de personnes dont le visage et la couleur de peau indiquaient clairement qu’ils n’étaient pas Indiens. Un isolement inhabituel. Mais ce que je crois comprendre ici, c’est que les monuments et curiosités que je viens visiter, le sont également par des Indiens venus de partout dans le pays. Et dans les recoins de cette immense nation, nombre d’Indiens ne doivent pas voir souvent de gens comme moi.

Yeux curieux et oreille agressée

Les regards sont curieux, jamais intrusifs, souvent souriants, notamment de la part des enfants. Quelques courageux s’aventurent vers moi, me demandent de partager un selfie. Drôle de sensation. Étrange d’imaginer que ma photo va être montrée par des inconnus à d’autres inconnus. Et quel paradoxe d’être traité comme une célébrité à l’endroit même où je ne me suis jamais senti aussi anonyme. Plutôt drôle, finalement, car il s’agit de deux à trois photos par jour, tout au plus.

L’après-midi est douce. Les lieux touristiques étant souvent préservés des voitures et tuk tuk, ils sont plus propres, mieux entretenus (entretenus tout court d’ailleurs), ils offrent un havre de paix bienvenu. Quelques marchands ambulants essaient encore de me tirer quelques euros, un homme étrange en costume d’officier m’attrape l’oreille (pour le coup, j’ai eu peur) et tend vers celle-ci un objet pointu, je me dégage aussitôt. Je n’ai pas aimé ce moment. Je ne l’ai pas compris, c’est une chose. Mais j’ai détesté sentir cette main se poser avec force sur moi sans avoir donné mon accord. J’ai mis quelques minutes pour retrouver ma sérénité.

Il est 18h. Je rentre tranquillement vers l’hôtel pour y récupérer mon sac. Je m’installe au Sam’s Café (j’y suis presque déjà un habitué) pour manger et me reposer avant le train qui m’attend à 23h. J’ai 5 heures devant moi avant la gare (Ecriture, lecture et tri des photos au programme). Un peu de repos ne me fera pas de mal pour affronter ce qui fait désormais figure d’épreuve. Et qui le sera une fois encore, je vous l’assure…