Je suis à La Havane depuis quelques minutes à peine. Mon sac sur le dos, je viens de quitter le bus et me dirige vers mon auberge. Je suis au pied du Capitole, impressionné par l’édifice, sa grandeur, sa beauté. L’avenue qui lui fait face est immense, les immeubles colorés, et la route clairsemée de ces voitures qui viennent immédiatement à l’esprit lorsque l’on parle de Cuba. Roses, vertes, bleues, jaunes, rouges, oranges, il y en a pour tous les goûts. Je suis ici depuis quelques minutes à peine, et j’en ai déjà pris plein les yeux. La sensation de dépaysement est immédiate, et c’est la première fois que je la ressens vraiment, depuis que je suis parti. 
Je poursuis mon chemin vers l’auberge, traverse une jolie place où trône au centre la statue de José Marti, l’une des figures emblématiques de la lutte pour l’indépendance du pays, quelques terrasses de café sont animées d’une musique entraînante, jouée par des groupes colorés et souriants. Les immeubles sont magnifiques, les hôtels majestueux, les touristes nombreux, tout ici à les allures d’une capitale, la singularité du décor en plus.

Patria o muerte.
Décalage temporel.

Couleurs au mur et au coeur

J’avance encore de quelques pas, me retrouve sur une avenue dont le centre a été aménagé en un grand couloir carrelé, où se mélangent artistes en tous genres, vendeurs de souvenirs et groupes de Havanais engagés dans des discussions très animées. L’énergie qui se dégage de cette avenue, doublée de ses couleurs, rend l’endroit magnifique. Et puis je tourne la tête, curieux, et sur ma gauche, la première rue perpendiculaire à l’axe sur lequel je suis engagé. Une rue colorée elle aussi, mais dont chaque façade, chaque trottoir, chaque morceau de route est cassé, délabré. Je savais que La Havane était une ville globalement abîmée, mais à cet instant le contraste incroyable, visible, palpable, entre ces deux morceaux de ville qui se touchent me bouscule au plus profond. Rien n’est très choquant, les gens que j’y vois sont souriants, bien portants, mais quand même, quel incroyable décalage.
J’ai pris le temps de détailler ces premières minutes passées à Cuba parce qu’à mes yeux, elles illustrent très bien ce qu’est ce pays. Une terre contrastée, où se côtoient richesses et pauvreté. Où les sourires permanents des Cubains, les couleurs merveilleuses de leurs maisons, la musique qui rythme chaque coin de rue, contrastent avec la précarité que beaucoup des habitants connaissent au quotidien. 

Une nuit au Capitole.
Ça mord à La Havane.

Différent

À Cuba j’ai vu la pauvreté des quartiers les plus délabrés de La Havane, j’ai vu la diversité, résultat de centaines d’années d’une histoire absolument incroyable mêlant conquête, divisions politiques, diplomatiques, révolutions et esclavage, j’ai vu la folle envie de la jeunesse Cubaine de s’amuser et de danser à la nuit tombée, j’ai vu Trinidad, ses couleurs, ses chanteurs, ses musiciens, ses danseurs, ses plages magnifiques et sa douceur de vivre unique, je suis monté à bord d’un chariot tiré par un cheval, invité par un couple de fermier, avec qui j’ai échanger et comprendre un peu mieux comment ils vivaient, j’ai chanté avec un rappeur Cubain croisé au coin d’une rue au petit matin, j’ai couru et fait du cheval dans le parc naturel de Vinales, ce petit village merveilleux, coincé au milieu des montagnes vertes, où poussent le tabac, la canne à sucre et mille autres choses, j’ai joué au foot avec des jeunes enfants, et lu dans leurs regards, compris dans leurs questions, la curiosité qui était la leur, et l’envie simple, sincère, magique, de partager un peu avec moi… un moment dont je suis reparti différent pour toujours. À Cuba j’ai vécu de jours uniques, qui m’ont permis je crois de remettre beaucoup de choses à leur vraie place, à Cuba j’ai appris, à Cuba j’ai grandi.