Cette fois, la décision est prise. Retour au bercail ! Les incertitudes sont si nombreuses que je n’imagine plus rester ici. Près d’un mois déjà que je suis con né, tant pis, je reviendrai. Voilà donc la procédure de rapatriement lancée. Rapatrier : un mot auquel j’espérais ne jamais être confronté. Après plusieurs jours de doutes, de reports et d’annulations, je nis par obtenir un billet. Mélodie en a un aussi, chouette. On choisit deux sièges côte à côte, heureux d’avoir un peu de compagnie pour ce long vol qui nous attend. Seulement, nous ne le savons pas encore, tout ne va pas se passer comme prévu.

Il est 6 h 20 quand nous nous mettons en route pour rejoindre l’alliance française et le bus qui va nous emmener à l’aéroport militaire de Cusco. Nous arrivons à l’aéroport vers 7 h 30, et restons environ 1 h 30 devant, en le indienne et espacés d’un mètre les uns des autres. Une fois à l’intérieur, on prend notre température, puis nous sommes alignés pour un contrôle des sacs par le chien de la brigade des stup locale. Rien à signaler !

Nous récupérons nos cartes d’embarquement, puis on attend. Au bout d’une heure, l’annonce tombe, l’avion censé nous emmener à Lima à un problème. Un autre va venir de Lima pour nous chercher et nous y ramener. Patience. Nous attendrons plus de trois heures avant de décoller. Le temps de lire, d’écrire, de dormir aussi.

Sur le tarmac de l’aéroport de Lima, l’énorme avion Air France est déjà là, chargé des Français qui étaient à Lima, Arequipa et ailleurs. La le d’attente est improvisée, je sors mon passeport et ma carte d’embarquement, attends quelques minutes et mon tour arrive. La dame me cherche dans la liste, me trouve, véri e mon numéro de siège, et s’adresse à moi pour me dire la plus belle chose que l’on m’ait dite depuis très longtemps : « Vous avez été surclassé monsieur, voici votre nouvelle carte d’embarquement ».

À ce moment-là, même un « je t’aime » de la part de Nathalie Portman n’aurait pas eu le même e et. Je m’engage dans l’escalier, le stuart m’oriente, et je découvre ma place business. Un siège digne des plus beaux vaisseaux spatiaux de la guerre des étoiles. Un écran, une télécom- mande, un casque, une trousse de toilette, un oreiller, une couverture et même… des pantou es. Oui des pantou es. La pauvre Mélodie en est réduite à son siège basique voisin de quelqu’un qu’elle ne connait pas. Pardon Mélodie.

Je m’installe, cherche un lm à regarder, ce sera Joker. J’incline mon siège et oublie complètement le contexte. Je pro te, juste. L’avion décolle, je suis surpris par la uidité du vol. Jamais je n’étais monté dans un si gros avion. Le lm se poursuit, le stuart passe avec son chariot, c’est l’heure du repas. Et là, je crois avoir vécu l’un des meilleurs moments de mon voyage. Vraiment. On pose une nappe de tissu sur ma tablette, puis une belle entrée, une pièce de bœuf, un dessert, mais surtout… du fromage. Du vrai, bon fromage, avec du vrai, bon pain. Moi qui me languissais de rejoindre la France pour ça, je n’aurais même pas besoin d’attendre de poser le pied sur le territoire pour en pro ter. Et non-content de ces merveilleux mets, ce repas s’accompagne de (trois)

verres de Peyssac, et d’un Armagnac pour nir. Vive la France.

J’achève ce qui restera comme l’un des meilleurs repas de ma vie, poursuit mon lm, en lance un second. Les Misérables de Ladj Ly. Je risque de vite m’endormir. Et puis en fait… non !

Le chef de cabine prend la parole pour demander si, parmi les passagers, se trouve un médecin. Un passager est malade. Je n’accorde pas plus d’importance que ça à l’in- formation, mais une heure plus tard, la nouvelle tombe. Nous allons devoir faire escale à Point à Pitre pour déposer le pauvre homme. On nous précise que les symptômes du passager n’ont rien à voir avec ceux du Covid. Il faut dire que l’on pouvait sentir la crainte planer (ou voler plutôt). Nous voilà bon pour 1 h 30 de rab. Pourvu que ce ne soit pas trop grave.

Nous reprenons notre vol, il est minuit environ, j’allonge mon siège dans sa position maximale, avec tout ça, je n’ai pas encore dormi. C’est un véritable lit. Quelques secondes plus tard je sombre, réveillé à intervalles réguliers par les secousses, je me réveillerai vraiment sept heures après, quelques minutes trop tard pour béné cier du petit-déjeu- ner, nous sommes déjà en train de descendre sur Paris. Je lorgne, jaloux, le croissant croustillant que ma voisine est en train de dévorer. Bon, je ne vais pas me plaindre quand même.

Un dernier contrôle, une attestation, bisou Mélodie, pardon de t’avoir lâchement abandonné pour succomber à l’appel du luxe, je sais que tu ne m’en veux pas. Mon pote Arnaud est là, le pauvre m’a attendu, je n’ai pas pu le prévenir de notre escale guadeloupéenne. Tel un chau eur

Uber Arnaud a prévu des sandwichs, des chips et une bière. Décidément, le niveau de service est absolument incroyable aujourd’hui. Il est presque 17 h quand nous arrivons à Douai, Arnaud me dépose, mes parents sont là. Quelle drôle de sensation, après quatre mois d’absence, de devoir rester à distance. C’est ainsi.

Maman m’a préparé des vêtements, papa mes livres et quelques a aires, et ils m’ont rempli un sac de vivres comprenant notamment des fraises Tagada, il ne peut décidément rien m’arriver aujourd’hui.

Je me mets en route pour le Touquet, m’arrête chez Marc Aymeric pour lui emprunter sa guitare, et c’est parti pour les deux dernières heures du périple. Cent trente kilomètres et deux contrôles de gendarmerie plus tard m’y voilà. Il fait beau, je m’installe, je pars courir après plus d’un mois sans avoir pu le faire. La ville est vide, le coucher de soleil magni que. Que j’aime cette ville.

Il est 23 h quand je me couche, soit 16 h pour mon organisme. Décalage horaire ou pas je trouve le sommeil en cinq minutes et ne me réveillerai que le lendemain à 12 h 15. On dort bien chez soi. On est bien chez soi.